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La
mosquée dans la cité
par Abdellah Boussof
La transcription arabe du mot mosquée est masjid, de la
racine soudjou' qui signifie poser son front sur terre, acte qui exprime
l'adoration et l'humilité, masjid est donc un lieu de prière
et d'adoration.
La mosquée est aussi appelée djami', qui signifie
lieu de rassemblement et d'union. C'est un lieu de regroupement et de concertation.
Certaines prières, comme celle du vendredi, ne peuvent être
célébrées que dans un masjid djami'.
Lieux de culte, d'adoration et de purification, les mosquées
sont lieux sacrés. Les bonnes œuvres y sont mieux gratifiées.
Les chances de multiplier les récompenses y sont plus grandes.
La mosquée, au centre de la ville, symbolise et matérialise
non seulement le centre des activités dans la société,
mais aussi l'ouverture sur le monde extérieur.
La fonction de l'enseignement fut, dès les premiers siècles,
intégrée au fonctionnement de la mosquée, soit directement,
soit à travers les madressas.
Cordoue, Qaraouiyin de Fès,
Zéïtouna de Tunis, Al-Azhar du Caire ou encore Beyt Al-Hikma
de Baghdad en sont les meilleurs exemples.
La mosquée s'élève au rang d'une institution à
caractère sacré inviolable. Mais ce statut ne lui est conféré
que lorsqu'elle est déclarée mosquée d'une façon
illimitée dans le temps. Que le terrain qui l'accueille ne soit
à jamais utilisé pour accueillir une construction autre qu'une
mosquée, conformément à la notion de Wakf ou
Houbousen Islam.
Dans l'actualité française, le mot islam est perçu
d'une manière bien triste. Il est objet, tout à la fois,
de passion et de tabou. Passion par la défense parfois maladroite
de ses protecteurs et tabou par ceux qui n'admettent pas qu'on parle, y
compris dans une école.
Cependant, il n'en demeure pas moins que l'islam s'inscrit dans la
réalité comme la deuxième religion de France. Il apparaît
donc nécessaire, dans l'intérêt de tous, d'intégrer
et de reconnaître cette dimension aussi bien d'un point de vue politique
que cultuel et social.
Il appartient aux musulmans de développer un modèle original
d'existence dans la société française. A eux de de
faire preuve de créativité dans ce domaine. Beaucoup de facteurs
peuvent les y aider, la France est l'un des rares lieux, où, tant
de musulmans de toutes nationalités peuvent se rencontrer et échanger
librement leurs idées, leurs pratiques et leurs expériences
dans une société authentiquement démocratique.
Mais il est clair que, dans cet effort créateur, les musulmans
ne peuvent pas être seuls. Il est du devoir de la société
de créer les conditions nécessaires pour que celui-ci puisse
s'épanouir et aboutir.
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La
mosquée dans l'espace européen
par Tariq Ramadan
Dans l'espace européen, la mosquée
est devenue, selon les circonstances, un symbole véhiculant parfois
des interprétations diamétralement opposées quant
à son sens et à sa valeur.
Pour les uns, la mosquée est l'expression
de la présence de l'autre, de l'exotisme, voire de la "nouvelle
colonisation"; pour les autres, elle représente la première
étape de l'enracinement, du "mieux-être ici", une promesse
d'enrichissement. La mosquée est ainsi le foyer sur lequel se projettent
toutes les représentation, les profondes craintes comme les souffles
d'espoir.
Lorsque le prophète (que la bénédiction
et la paix de Dieu soient sur lui) quitte la Mecque pour la ville de Yathrib
(Médine), il construisit une mosquée à chacune des
trois premières étapes de son périple. Dans son exil,
il manifestait ainsi une double exigence:
-
spécifier l'espace qui, au cœur de la Terre
où l'être humain se prosterne (la Terre-mosquée), ravive
et édifie la foi en l'Unique.
-
témoigner d'une spiritualité vivante
qui rayonne au lieu où l'être et le cœur s'installent.
Telles sont, somme toute, l'essence et la condition
de la mosquée: l'intime conscience du Très-Haut en est le
fondement; l'expression de la spiritualité et de l'amour en est
le sens (Coran IX, 108).
En Europe, comme ailleurs, la mosquée
doit d'abord jouer ce rôle : dire, exprimer et rappeler la présence
du divin dans le cœur de chacun, au cœur de la cité. Elle est ce
lieu du silence, de la méditation et de la prière qui permet
le recul, l'édification, la quête du sens et de la paix. Le
lieu "où l'on se prosterne" est l'espace où l'on s'élève,
profondément, intimement, seul, en communauté...
L'horizon de notre proximité. La mosquée
est une source qui étanche la soif et donne la force de témoigner:
ouverte à tous les cœurs, elle doit être également
ouverte sur le monde et rayonner sur l'environnement. Lieu d'édification
spirituelle, elle est également un espace d'étude, de dialogue,
d'accueil qui doit témoigner de l'exigence de justice et de l'amour
de la paix (as-salam).
Mosquée prison ou mosquée-lumière
Cet objectif ne peut être atteint si les
mosquées sont pensées comme des lieux fermés, destinés
uniquement à nos protéger du monde d'alentour, de ses blessures
et/ou des ses errances. Les mosquées-lumières deviennent
alors des mosquées-prison : elle devraient être les témoins,
elles sont devenues les suspects; elles devraient dire la foi et l'amour,
elles finissent par exprimer le rejet l'enfermement. Mal perçues,
mal comprises... comme les musulmanes, comme les musulmans. Trop souvent.
Revenir à l'essentiel
Intensément, faire de nos mosquées
des horizons d'être, de foi, de respect et d'amour. Des lieux propres...
emplis de beauté, sans être luxueux; dignes, sans être
nécessairement "cathédrales" : à la mesure de nos
besoins de cœur et de nombre. Ni plus ni moins.
Que nos mosquées deviennent témoins,
comme nous devons l'être nous mêmes, d'une présence
musulmane sereine, épanouie et désireuse de contribuer à
accompagner les questionnements de tout un chacun sur le sens, les valeurs
et l'humanité des hommes. Se prosterner pour dire " Dieu", c'est
se lever pour être avec les hommes de bonne volonté et relever
tous défis de l'errance, de l'excès, de l'oubli et de la
mort.
Dans l'espace européen, comme au cœur
des déserts, la mosquée nourrit le cœur et forge la conscience:
pour aimer Dieu, les êtres humains et la création, pour résister
à toutes les injustices, à toutes les dérives. Preuve
de notre enracinement, elle doit être témoignage de notre
engagement. Ici, au lieu où nous vivons, pour aimer Dieu et respecter
les hommes.
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